samedi 31 décembre 2011

Voilà une émission parmi tant d'autres bien intéressantes par une spécialiste des contes. Malheureusement, la seule référence théorisante des journalistes est Bettelheim ; complétons donc pas celle à Pierre Péju, La petite fille dans la forêt des contes, qui plaide pour le mystère.

http://www.franceinter.fr/recherche/key%3Dbernadette%20bricout

jeudi 10 février 2011

le risque du mensonge

Trouvé sur un blog récemment, la question de l'ancrage du langage dans la réalité :
Dès les débuts de la philosophie, un lien essentiel, ontologique, nécessaire existe entre le langage, la vérité et les intentions des locuteurs : le monde se tient ensemble comme nous le voyons car les mots ont une référence, sont ancrés dans le monde extérieur, et le locuteur, en utilisant ces mots, les utilise avec l’intention de respecter cet ancrage : l’usage subversif du langage de la part des sophistes contient donc un danger métaphysique : de perdre l’ancrage fondamental de la référence au monde. Le mensonge est l’outil diabolique de ceux qui possèdent l’art de parler : en énonçant ce qu’il sait être faux, le menteur met le monde à l’envers, et soustrait au langage sa puissance métaphysique fondamentale d’assurer le lien sémantique entre paroles et objets. Le langage étant le miroir du monde et sa représentation fidèle, tout usage impropre, vicieux, comporte le risque de casser le miroir : d’ici la responsabilité morale de tout locuteur : si on veut préserver ce lien précieux, constitutif de la réalité extérieure, on a la responsabilité de faire bon usage de la parole.
“Pourquoi est-il si grave de mentir ? Du mensonge en philosophie” par Gloria Origgi (25 janvier 2011)

mercredi 9 février 2011

Quelques extraits de C. Podguszer et S. Tomasella

Ces extraits comme un viatique ou un livre d'heures contemporain, pour m'aider à passer tous ces tremblements de terre, le dernier en date : l'homme que j'aime qui ne veut plus ni me voir, ni m'entendre, ni me lire, mais ne me quitte pas pour autant... Les précédents étaient bien pires.

"C'est vrai, il y a la façade, ou le paraître pour être apprécié(e), reconnu(e), aimé(e)... ou pour ne pas être remarqué(e) et se fondre dans l'anonymat. Pourtant, au fond, il y a bien d'autres éléments : un personnage, ou plusieurs, avec toutes ses facettes, sa complexité, sa sensibilité, ses ombres cachées et souvent inavouées. Il n'est pas facile de s'accepter tel que l'on est. Nous avons des surprises,bonnes ou moins bonnes, en nous découvrant un peu plus nous-même et en allant davantage vers les autres. Cette démarche n'est pas évidente, mais ensuite, nous sommes moins enclins à tenir les autres - ou le destin !- pour responsables de nos déboires. Ces remises en question de nos schémas de pensée et de nos habitudes de vie sont des moments douloureux à traverser. Elles sont pourtant indispensables pour arriver à sortir du cercle infernal de la répétition."

"Il existe chez tout être humain un risque de se complaire dans la douleur, la souffrance ou le malheur. Lors de certaines séances qui peuvent sembler très rudes, une confrontation à cette réalité est nécessaire. Dans quelle mesure et jusqu'à quel point j'accepte ou je choisis de souffrir et de passer à côté de ma vie ?"

"La négation de l'autre et de la relation crée des malentendus et des souffrances qui demandent beaucoup d'énergie, de ténacité, pour être dépassés."

mercredi 2 février 2011

Premier extrait de l'Eloge de l'amour, Alain Badiou, Nicolas Truong, Flammarion

"Dans l’amour, il y a un risque énorme qu’on fait endosser au langage. Il s’agit de prononcer une parole dont les effets, dans l’existence, peuvent être pratiquement infinis. Le mots les plus simples se chargent alors d’une intensité presqu’insoutenable."

mardi 11 janvier 2011

Lire lentement

Lire aussi ce que Tracy Seeley en dit sur son blog : http://tracyseeley.wordpress.com/

L'éloge de la lecture lente

Friedrich Nietzsche, Aurore (1881), Avant-propos de 1886.
Cette préface arrive tardivement, mais non trop tard ; qu’importent, en somme, cinq ou six ans ! Un tel livre et un tel problème n’ont nulle hâte ; et nous sommes, de plus, amis du lento, moi tout aussi bien que mon livre. Ce n’est pas en vain que l’on a été philologue, on l’est peut-être encore. Philologue, cela veut dire maître de la lente lecture : on finit même par écrire lentement. Maintenant ce n’est pas seulement conforme à mon habitude, c’est aussi mon goût qui est ainsi fait, — un goût malicieux peut-être ? — Ne plus jamais rien écrire qui ne désespère l’espèce des hommes « pressés ». Car la philologie est cet art vénérable qui, de ses admirateurs, exige avant tout une chose : se tenir à l’écart, prendre du temps, devenir silencieux, devenir lent, — un art d’orfèvrerie, et une maîtrise d’orfèvre appliquée au mot, un art qui demande un travail subtil et délicat, et qui ne réalise rien s’il ne s’applique avec lenteur. Mais c’est justement à cause de cela qu’il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là qu’il charme et séduit le plus, au milieu d’un âge du « travail » : je veux dire de la précipitation, de la hâte indécente qui s’échauffe et qui veut vite « en finir » de toute chose, même d’un livre, fût-il ancien ou nouveau. — Cet art lui-même n’en finit pas facilement avec quoi que ce soit, il enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement, avec profondeur, égards et précautions, avec des arrière-pensées, des portes ouvertes, avec des doigts et des yeux délicats... Amis patients, ce livre ne souhaite pour lui que des lecteurs et des philologues parfaits : apprenez à me bien lire!

A. Viala : qu'est-ce qu'un classique ? BBF

A lire
http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1992-01-0006-001

Genèse 2 8-17 Le jardin des délices

L'Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l'est, et il y mit l'homme qu'il avait façonné.
9 L'Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute sorte, agréables à voir et porteurs de fruits bons à manger. Il fit pousser l'arbre de la vie au milieu du jardin, ainsi que l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
10 Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.
11 Le nom du premier est Pishon: il entoure tout le pays de Havila où se trouve l'or. 12 L'or de ce pays est pur. On y trouve aussi le bdellium et la pierre d'onyx.
13 Le nom du deuxième fleuve est Guihon: il entoure tout le pays de Cush.
14 Le nom du troisième est le Tigre: il coule à l'est de l'Assyrie. Le quatrième fleuve, c'est l'Euphrate.
15 L'Eternel Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Eden pour qu'il le cultive et le garde.
16 L'Eternel Dieu donna cet ordre à l'homme: «Tu pourras manger les fruits de tous les arbres du jardin,
17 mais tu ne mangeras pas le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras, c'est certain.»

vendredi 7 janvier 2011

Masquer le vide en soi.

"C'est étonnant de voir avec quelle avidité les gens passent en revue la "lecture", comme on dit, empilée dans l'antichambre des médecins et des dentistes. Est-ce pour s'empêcher de penser à l'épreuve qui les attend ?Ou est-ce pour rattraper le temps perdu, pour "se mettre au courant", comme ils disent, de l'actualité ? Mes quelques observations personnelles me disent que ces gens-là ont déjà absorbé plus que leur part d'"actualité", c'est-à-dire de guerre, d'accidents, de guerre encore, de désastres, d'autre guerre, de meurtres, de guerre encore, de suicides, d'autre guerre, de vols de banque, de guerre, et encore de guerre chaude et froide. Ce sont sans aucun doute ces mêmes gens qui font marcher la radio la plus grande partie du jour et de la nuit, qui vont au cinéma aussi souvent que possible - et y ingurgitent encore des nouvelles, encore de l'"actualité" - et qui achètent des postes de télévision à leurs enfants. Tout cela pour être informés ! Mais que savent-ils en fait qui vaille la peine d'être su de ces événements si importants qui bouleversent le monde ?

(...) La vérité c'est que dès l'instant où ces pauvres gens ne sont pas actifs, occupés, ils prennent conscience du vide terrifiant, affreux qu'il y a en eux. Peu importe, à dire vrai, à quelle mamelle ils tètent, l'essentiel pour eux est d'éviter de se retrouver face à face avec eux-mêmes. Méditer sur le problème du jour, ou même sur ses problèmes personnels, est la dernière chose que désire faire l'individu normal."

Henry Miller, Les livres de ma vie.

jeudi 6 janvier 2011

La première bibliographie

Cette première biblio est née d'une demande d'une jeune femme, apparemment prof de français dans un collège en région parisienne, qui m'a contactée par FB pour me demander des conseils de lecture. Elle s'est adressée à moi, après avoir lu, écrit-elle, un article publié dans un ancien numéro de Télérama, qui relatait le travail que je faisais avec mes élèves lorsque j'étais encore dans le secondaire.
Les élèves qu'elle a en classe de troisième lui réclament des histoires proches de leurs préoccupations, tournant autour des comportements des plus ou moins adolescents désoeuvrés, livrés à eux-mêmes, dans les milieux populaires des "cités", des "quartiers". La demande rudimentaire, certes, mais explicite portait sur des oeuvres abordant les addictions, les conflits entre ados et tout ce qui peut soutenir un imaginaire les renvoyant à une image d'eux-mêmes conformes à ces faits divers relatant des actes violents, ce qui passe pour une transgression, le drame, la revendication de ce que certains sociologues appellent des contre-valeurs, le malaise adolescent, la jouissance de se sentir victime, le narcissisme caractéristique de ce temps de la vie, la relation fusionnelle et souvent perverse, la relation frustre à un autre non reconnu comme Autre et pour cause...
Le pouvoir de la littérature réside précisément dans le fait qu'elle donne accès à ces jeunes lecteurs à une mise en intrigue de ce qu'ils estiment être leur propre vécu, à une symbolisation nécessaire à leur développement. Je renvoie simplement à ce qu'a écrit Michèle Petit, anthropologue, sur la lecture dans son ouvrage paru chez Belin Eloge de la lecture, construction de soi.

Subtil

“Aux observateurs qui sont capables de voir tout un Olympe avec ses dieux et ses déesses là où il n’y a rien d’autre que de simples nuages, ou à ceux qui, ayant devant leurs yeux Jupiter tonnant, le qualifient de vapeur atmosphérique, nous ne nous lasserons jamais de répéter qu’il ne suffit pas de parler des circonstances et de leur division bipolaire entre antécédents et conséquences, comme on le fait habituellement pour s’épargner tout effort mental, mais qu’il est nécessaire de considérer ce qui se situe immanquablement entre les uns et les autres, citons dans l’ordre et intégralement le temps, le lieu, le motif, les moyens, la personne, le fait, la manière, et que, si tout cela n’est pas mesuré et pesé, l’erreur fatale du premier jugement proposé nous guette. L’homme est un être intelligent, sans aucun doute, mais pas autant qu’il serait souhaitable, et il s’agit là d’une constatation et d’une confession d’humilité, car, avant qu’on ne nous lance la chose à la figure, il faudrait toujours l’avoir déjà fait soi-même, comme on prétend qu’il faut le faire avec la charité bien ordonnée.”

José Saramago, Le radeau de pierre